Texte écrit le 30 avril 2002 au milieu d’un délire général qui a conduit bien des gens de gauche à voter pour « un individu qui serait plus à sa place devant un juge (indépendant et intègre si possible ) que dans le rôle de porte drapeau du petit peuple démocrate et solidaire. »
Texte envoyé a tous les journaux ayant une « sensibilité » de « gauche ».
Sans la moindre parution, bien sur.
Présidentielles France 2002
Que de discours … mais pas grand chose pour alimenter une meilleure
analyse de la réalité.
Assimiler l’abstention ou le refus de vote à un simple manque de civisme d’individus irresponsables est pour le moins très réducteur. Considérer les votes « nuls » comme inexistants relève du trucage électoral.
Pour comprendre des résultats électoraux il est nécessaire de donner les résultats en fonction des inscrits .
Résultats en fonctions des inscrits des présidentielles de 1995 et 2002
Chirac Jospin Le Pen Hue Les Verts LO etc.
1995 15,84 17,74 11,42 6,55 2,52 4,03
2002 13,75 11,19 11,66 2,33 3,63 3,95
Oui Le Pen a fait un tout petit peu plus ( même pas 1/4 de point ). Mais où est le raz de marée Le Pen ?
( J’aurais dû ajouter une remarque complémentaire : si Le Pen avait fait le même pourcentage qu’en 1995 à savoir 11,42 % des inscrits, Monsieur Jospin premier ministre était quand même derrière Le Pen. Ce n’est pas le PEN qui est passé devant Jospin, c’est Jospin qui est passé derrière Le Pen . Alméras jean 2014 )
A titre de rappel, il a manqué moins de 200 000 voix à Jospin pour que Le Pen ne soit pas au 2ème tour.
En toute LOGIQUE la responsabilité immédiate peut être imputée à TOUS CEUX QUI N’ONT PAS VOTE Jospin au premier tour.
Pourquoi tous ceux qui n’ont pas voté Jospin devraient-ils avoir honte ?
Et parmi ceux qui n’ont pas voté Jospin pourquoi se focaliser sur les abstentionnistes ?
Sous la 5ème République le Président est soit un petit roi s’il a la majorité au Parlement soit un pot de fleur s’il ne l’a pas.
Il est légitime qu’un républicain muni d’un cerveau, ne veuille pas participer à l’élection d’un roitelet ou/et d’un pot de fleur. (à noter que, depuis 3 septennats, les roitelets se sont toujours transformés en pot de fleur, ce n’est peut-être pas dû au hasard non? … )
Ce qui est honteux ce n’est pas d’avoir refusé de voter Jospin, mais qu’une assemblée avec une majorité sensée être à gauche fasse une politique de droite .
Quand la ‘’gauche’’ gouvernementale comme la droite présidentielle se font les porte drapeaux du libéralisme, quand, aveugles aux besoins du peuple ils ont pour seul programme ‘’encore plus de libéralisme’’ alors il y a quelque logique à ce que le Président comme le premier Ministre soit massivement rejetés.
Car la réalité est là. Les résultats, sont clairs :
Chirac et Jospin ont été massivement rejetés !
Le Pen n’a pas gagné !
A eux deux, Président et Premier Ministre n’obtiennent même pas l’agrément du quart des électeurs inscrits : 24,94 %
Le Pen obtient : 11,66 %
Ces résultats peuvent être mis en parallèle avec l’élection de 1988.
Cette année là aussi le premier tour voyait un ‘’face à face’’ Président – Premier Ministre , avec présence du PC , d’un ‘’vert’’, de LO etc. et …. du Front national.
Toujours par rapport aux inscrits les résultats avaient été
Le Président Mitterrand 27,18 %
Le Premier Ministre Chirac 15,94
Soit à eux 43,12 %
Le Pen 11,47
C’est un fait : depuis 3 présidentielles , Le Pen fait du sur place
1988 : 11,47 % des inscrits
1995 : 11,42
2002 : 11,66
Contrairement à ce qui est matraqué dans les médias il n’y a pas péril IMMEDIAT en la demeure.
Entre Chirac et Le Pen il y a 2,09 points d’écart.
La seule réserve clairement identifiée de Le Pen sont les électeurs de Megret soit 1,61 % des inscrits.
Il semble qu’on puisse raisonnablement compter dans la réserve ‘’naturelle’’de Chirac les électeurs de Lepage (1,30 % des inscrits ) et ceux de Bayrou (4,73 % des inscrits ).
Ce qui donne un potentiel ‘’naturel’’ de 19,78 % des inscrits pour Chirac, contre 13,28 % pour Le Pen.
L’écart est suffisamment important pour que les électeurs ayant une sensibilité de gauche ne soient pas dans la nécessité impérative de se rallier à un individu qui serait plus à sa place devant un juge (indépendant et intègre si possible ) que dans le rôle de porte drapeau du petit peuple démocrate et solidaire.
Barrer la route à Le Pen bien sur… Mais pour Chirac, il n’y a qu’une seule façon honnête de le faire : qu’il se présente avec pour seul et unique programme NON A LE PEN avec l’engagement solennel devant le pays qu’il démissionnera dans la seconde qui suivra la proclamation du résultat.
Dans ce cas là, et ce cas là seulement, il faudrait voter Chirac
Toute autre solution participe de la manipulation. Et pour ce qui est de la manipulation, on peut compter sur Chirac.
L’enjeu de cette élection, ça ne devrait pas être le score relatif de Chirac par rapport à Le Pen mais bien que Le Pen ait le moins de voix possible.
La seule façon d’éviter un accroissement du nombre d’électeurs de Le Pen c’est de prendre en compte les rejets de Jospin et de Chirac et de faire des propositions porteuses de changements …….dans une autre direction que le tout libéral.
Aujourd’hui pas grand chose n’est fait dans ce sens .
Il est à craindre que les appels tout azimut au vote Chirac, apportent de l’eau au moulin de Le Pen qui peut dire avec quelque crédibilité « Chirac, Jospin c’est la même chose, le changement c’est moi ».
Combien de personnes vont penser : « vu que tout le monde appelle à voter chirac il n’y a pas de risque à mettre une autre couche de Le Pen. »?
On pourra toujours continuer à faire des petits calculs biaisés sur les suffrages « exprimés », la situation sera vraiment grave si Le Pen au soir du 5 mai peut dire : » j’ai 6 (ou 7 ou 8) millions de personnes derrière moi «
Et pour la suite…
Ecoutez déjà Chirac . Il dit : « vous allez élire votre président » et il en rajoute en demandant une assemblée à sa botte. Il est déjà aux législatives …et la gauche auto satisfaite et fière de son bilan, après avoir appelé à voter Chirac va nous demander de voter pour elle, pour toujours plus de libéralisme estampillé ‘’pur gauche’’?
C’est à partir de là que toute les conditions seront réunies pour l’enracinement d’un grand parti populiste ouvrant la porte aux pires dérives..
Le 30 avril 2002
Jean Alméras