Pauline Julien

Une magnifique chanson d’Anne Sylvestre

Une sorcière comme les autres

Le plus beau chant féministe que je connaisse, avec une interprétation plus dynamique et plus pugnace qui va avec, celle de la grande Pauline Julien.

 

Une sorcière comme les autres

 

S’il vous plaît
Soyez comme le duvet
Soyez comme la plume d’oie
des oreillers d’autrefois
J’aimerais
ne pas être portefaix
S’il vous plaît faites-vous léger
Moi je ne peux plus bouger.

Je vous ai porté vivant
Je vous ai porté enfant
Dieu comme vous étiez lourd
Pesant votre poids d’amour
Je vous ai porté encore
À l’heure de votre mort
Je vous ai porté des fleurs
Vous ai morcelé mon coeur

Quand vous jouiez à la guerre
moi je gardais la maison
J’ai usé de mes prières
les barreaux de vos prisons
Quand vous mouriez sous les bombes
je vous cherchais en hurlant
Me voilà comme une tombe
et tout le malheur dedans.

Ce n’est que moi
C’est elle ou moi
Celle qui parle ou qui se tait
Celle qui pleure ou qui est gaie
C’est Jeanne d’Arc ou bien Margot
Fille de vague ou de ruisseau
Et c’est mon cœur ou bien le leur
Et c’est la sœur ou l’inconnue
Celle qui n’est jamais venue
Celle qui est venue trop tard
Fille de rêve ou de hasard
Et c’est ma mère ou la vôtre
Une sorcière comme les autres.

Il vous faut
Être comme le ruisseau
Comme l’eau claire de l’étang
Qui reflète et qui attend
S’il vous plaît
Regardez-moi je suis vraie
Je vous prie, ne m’inventez pas
Vous l’avez tant fait déjà
Vous m’avez aimée servante
M’avez voulue ignorante
Forte vous me combattiez
Faible vous me méprisiez
Vous m’avez aimée putain
Et couverte de satin
Vous m’avez faite statue
Et toujours je me suis tue
Quand j’étais vieille et trop laide,
vous me jetiez au rebut
Vous me refusiez votre aide
quand je ne vous servais plus
Quand j’étais belle et soumise
vous m’adoriez à genoux
Me voilà comme une église
toute la honte dessous.

Ce n’est que moi
C’est elle ou moi
Celle qui aime ou n’aime pas
Celle qui règne ou qui se bat
C’est Joséphine ou la Dupont
Fille de nacre ou de coton
Mais c’est mon cœur
Ou bien le leur
Celle qui attend sur le port
Celle des monuments aux morts
Celle qui danse et qui en meurt
Fille bitume ou fille fleur
Et c’est ma mère ou la vôtre
Une sorcière comme les autres.

S’il vous plaît,
soyez comme je vous ai
Vous ai rêvé depuis longtemps
Libre et fort comme le vent
Libre aussi, regardez je suis ainsi
Apprenez-moi n’ayez pas peur
Pour moi je vous sais par cœur
J’étais celle qui attend
Mais je peux marcher devant
J’étais la bûche et le feu
L’incendie aussi je peux
J’étais la déesse mère
Mais je n’étais que poussière
J’étais le sol sous vos pas
Et je ne le savais pas
Mais un jour la terre s’ouvre
Et le volcan n’en peux plus
Le sol se rompt, on découvre
des richesses inconnues
La mer à son tour divague
de violence inemployée
Me voilà comme une vague
vous ne serez pas noyé.

Ce n’est que moi
C’est elle ou moi
Et c’est l’ancêtre ou c’est l’enfant
Celle qui cède ou se défend
C’est Gabrielle ou bien Eva
Fille d’amour ou de combat
Et’ c’est mon cœur
Ou bien le leur
Celle qui est dans son printemps
Celle que personne n’attend
Et c’est la moche ou c’est la belle
Fille de brume ou de plein ciel
Et c’est ma mère ou la vôtre
Une sorcière comme les autres.

S’il vous plaît,
s’il vous plaît faites-vous léger
Moi je ne peux plus bouger

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