Le « marché » et les marchandises

Le marché et les marchandises

( Retour à Valeur et prix )

En économie, un bien est quelque chose pouvant faire l’objet d’une appropriation sur laquelle un droit de propriété est donc applicable.

En économie un bien n’a de sens que s’il a une « utilité » quelconque au sens le plus large, utilité qui peut être concrète (comme, un verre, un vélo … ) ou plus subjective  (comme une œuvre d’art … ) avec tous les mélanges possibles, « utilité » nécessaire à l’échange avec un autre bien directement, dans le troc, indirectement et plus généralement en passant par la monnaie.

Tous les « biens » qui se vendent et qui s’achètent, doivent remplir deux préalables :

1 – Avoir un « propriétaire »

2 – Avoir une utilité au sens large : pratique, symbolique etc etc …

On peut ainsi donner quelques exemples de « biens ».

La liste sera forcement très ouverte.

Ainsi pourront être qualifiés de bien une casserole, un livre, une terrain, un logement (que ce soit une maison, un appartement, une yourte, un « mobil-home », une caravane, une tente…), des pièces d’or, un compte en banque, des actions d’une société, une œuvre d’art, un vêtement, une voiture, un vélo, un ordinateur, un logiciel, un CD, un DVD, une boite de conserve, des bouteilles de vin, 10 Kg de pommes de terres et comme aurait pu ajouter Prévert … un raton laveur.

Dans l’esprit dominant tout ce qui se vend et s’achète est de fait une marchandise. Ce qui est FAUX !

Et pourtant …  il devrait être évident qu’il y a plusieurs catégories de biens, qui ont de fait des statuts biens différents et devraient donc avoir une approche différenciée.

Comparons une maison et une caravane :

Qu’y a-t-il de commun entre une maison et une caravane ? un seul point commun : ce sont des productions humaines habitables.

Mais pour les maisons comme pour les caravanes on parlera de marché.

Le marché de l’immobilier, le marché des caravanes… la seule différence sera dans le qualificatif. Le neuf et l’ancien pour l’immobilier, le neuf et l’occasion pour les caravanes.

La vente ou l’achat d’un bien immobilier comme d’une caravane relèveraient donc du marché.

Il y a pourtant une très grosse différence entre ces deux types de biens.

Le prix de deux caravanes ayant des caractéristiques proches que ce soit dans le neuf ou l’occasion va être compris dans une étroite fourchette, disons de 1 à  1,5. Au fil du temps en toute logique comme pour beaucoup de choses, ce prix diminuera au cours de son usage. Bien sûr ce prix est en rapport avec le travail nécessaire à sa production.  (dit autrement avec sa valeur dans le sens économique)

Le prix de deux maisons de surface et confort proches pourra lui varier dans des proportions considérables de 1 à 10 voire beaucoup plus selon qu’elle se trouve à Paris ou dans une campagne en Bourgogne, en Picardie ou en Bretagne par exemple. Pire, dans de nombreux cas une maison ou un appartement après avoir été occupée de nombreuses années peut être revendue à un prix supérieur à celui de l’achat en monnaie constante. Ainsi ce « revendeur » aura été logé « gratuitement » et en plus aura un supplément par cette vente. Bien sûr ce prix n’a pas grand rapport avec le travail nécessaire à sa production. C’est un véritable vol, mais comme il est impossible de désigné le volé, ça ne pose pas beaucoup de problèmes moraux pour ce qui demeure un vol !

Que signifie ce mot marché qui dans le même domaine, celui de l’économie, recouvre des réalités aussi extrêmes ?

En fait il relève pour le moins de l’abus de langage, plus sûrement de la manipulation idéologique.

Ainsi nous vivrions dans une société de marché qui serait l’essence même du capitalisme. Pas de salut hors du marché.

Et quel serait le grand mérite du marché ? La régulation par la liberté de l’offre et de la demande. Le plus souvent la liberté du renard dans le poulailler. C’est confondre des domaines bien différents les uns des autres.

Acheter une maison est plus proche de l’achat en salle de vente, au plus offrant, que de l’achat d’une caravane, d’un aspirateur d’une voiture ou d’une casserole. Le prix n’est pas fonction du travail nécessaire à sa production mais est fonction du montant que quelques acheteurs en concurrence sont prêts à payer. C’est ce qui permet des prix découplés de l’activité productrice.

Alors qu’une caravane, un aspirateur, un vélo une voiture, un ordinateur, une casserole … seront accessibles à un prix relativement honnête, car eux font bien partie d’un marché largement auto régulé, un ensemble de producteurs et/ou vendeurs faisant face à un ensemble d’acheteurs.

Qu’elles sont les caractéristique communes de ces biens qui les distinguent des autres biens dont les prix ont la possibilité de s’envoler.?

–  Ce sont des produits fabriqués pour être vendus.
–  Ils sont reproductibles.
–  Ils sont raisonnablement interchangeables.
–  Le travail nécessaire à leur production unitaire est quantifiable.

Pour expliciter rapidement ces 4 conditions.

– Des produits fabriqués pour être vendus : qui ont nécessités un travail pour exister. Exemple : l’air qu’on respire sur terre ne nécessite pas un travail et est accessible à tout le monde. Il n’en serait pas de même sur la lune.

– Reproductible : pouvant être fabriqué en de nombreux exemplaires.

– raisonnablement interchangeables : par exemple une casserole, un verre une chaise un vélo, une voiture …etc etc … peuvent être raisonnablement remplacés par des objets ayant les mêmes fonctions

– Le travail nécessaire à leur production unitaire est quantifiable  Exemple : un logiciel dont le temps de travail nécessaire à la fabrication serait quantifiable (et même là, c’est loin d’être évident …) ne permet pas de déterminer le travail nécessaire à la production unitaire puisqu’il dépend du nombre d’utilisateurs (ceux qui achètent le produit) qui peut varier dans de grandes proportions alors que le travail de base reste le même.

  Lorsque ces 4 conditions sont remplies simultanément on a affaire à des biens dont le prix est en rapport avec le travail  qui a été nécessaire à leur production dans une société donnée c’est-à-dire avec leur valeur. Ce sont des marchandises.

Seules les marchandises, ainsi définies, relèvent du marché

Les autres « biens » peuvent avoir un prix sans commune mesure avec le travail nécessaire à leur production, et même avoir un prix sans avoir été produits (un terrain par exemple). C’est une tromperie de les assimiler à des marchandises.

Ainsi, les « biens » peuvent être répartis sur deux catégories dont la frontière est floue (comme toutes les frontières à un degré plus ou moins important) :

1 – Les marchandises

 2 – Tous les autres « biens »

Une  marchandise  est  un  « bien »  qui remplit simultanément  les  4  critères :

–  Il est un produit fabriqué pour être vendu.                             
–  Il est reproductible.
–  Il est raisonnablement interchangeable.
– 
Le travail nécessaire à sa production unitaire est quantifiable.     

Quel est l’intérêt d’une telle définition ?

La marchandise , ainsi définie,  s’inscrit dans un véritable marché où l’offre et la demande vont réguler le prix en fonction (en dernière analyse) du travail nécessaire à sa production.

Si le bien dont on envisage  l’usage est une marchandise, alors on le trouvera à un prix en rapport avec le travail nécessaire à sa production..

Si le bien n’est pas une marchandise et si on laisse jouer « librement » l’offre et la demande, alors son prix peut être très éloigné de sa valeur, c’est à dire n’avoir aucun rapport avec le travail nécessaire à sa production. Cela implique que, pour y avoir accés, la collectivité doit élaborer des critères différents qui ne relèvent pas des « lois » du marché..

Elle permet de mettre clairement en évidence que, contrairement à ce qui est matraqué jours après jours, nous ne vivons pas dans une économie de marché mais dans une économie où existe du marché.

Les activité humaines salariées et non salariées s’exercent majoritairement dans des domaines qui ne produisent pas des marchandises.

Les activité humaines salariées et non salariées s’exercent majoritairement dans des domaines qui ne produisent pas des marchandises.

Examinons quelques biens pour concrétiser :

– Une casserole, des chaussettes, un aspirateur, une voiture, un vélo, un T-shirt, des chaussures …..remplissent les 4 critères : ce sont des marchandises.

Pour des caractéristiques données avec un minimum de recherche, on les trouvera dans un fourchette de prix … disons de 1 à 2. (Bien sûr il y a beaucoup à dire sur les échanges transnationaux avec les distorsions induites au niveaux des prix).

Un logiciel : Pour faire un logiciel nous aurons besoin d’une équipe « d’ingénieurs en génie logiciel » qui travailleront un certain nombre d’heures pour produire le code. Supposons que cette équipe ait sa production validée après 10 000 heures de travail. Si ce logiciel a pour fonction de piloter un véhicule automatique sur la planète Mars il est clair que ces 10 000 heures feront totalement partie du coût de ce véhicule unique.  Supposons à présent qu’un logiciel (un autre bien sûr) ait une fonction de guidage de véhicules terrestres. et qu’il ait fallu aussi autour de 10 000 heures pour le valider. Mais sur terre il va être fabriqué non pas un unique véhicule utilisant ce logiciel mais 10 véhicules. Le coût du logiciel par véhicule ne sera plus que de 1000 heures. Mais si ce ne sont pas 10 mais 100, 1000 , 100 000 ou 1 000 000 de véhicules ?…. par exemple dans le cas ou 1 000 000 de véhicules utilisent ce logiciel, cela représente 1/100 d’heure par véhicule. Il est clair que le coût et donc le prix par véhicule varie énormément avec la quantité de véhicules produits.

Je doute que les fabricants répercutent la variation.

Il semble même qu’un certain Bill Gates se soit pas mal enrichi en vendant beaucoup de logiciels contenant très peu de travail par unité.

On voit que si les 3 premiers critères peuvent être éventuellement remplis, ce n’est pas le cas pour le 4. Sur terre, en général, un logiciel n’est pas une marchandise. Il devra être traité selon d’autres critères.

Les logiciels coopératifs libres sont une des pistes.

Un livre : Il est évident qu’un livre ne remplit pas les 2 dernières conditions. Deux livres ne peuvent être interchangeables : si vous lisez un livre de X, vous ne pouvez le « remplacer » par un livre de Y, c’est d’une banale évidence et cette seule caractéristique l’exclut des marchandises. Mais, de plus le travail nécessaire à sa production unitaire est difficilement quantifiable. Le temps de travail total par livre peut varier très fortement.
S’il est tiré à quelques exemplaires l’essentiel du travail par unité est celui nécessaire à l’auteur pour l’écrire et en ce cas il est impossible que l’auteur soit rémunéré correctement. A 10 000 exemplaires c’est possible. A 100 000 voire 1 000 000 exemplaires, l’essentiel du travail et donc du coût par unité, se réduit quasiment à ceux de l’impression soit autour de 1 euro par unité. Vendre encore des livres ayant de tels tirages 15 ou 20 euros l’unité relève du vol.

Un livre n’est pas une marchandise.

Une analyse de l’accès aux livres permet de faire des propositions sans rapport avec le marché. Par exemple il doit être possible qu’une base de données relevant des médiathèques publiques  permette, avec l’accord des auteurs, l’accès libre aux livres dans  de multiples formats numériques. Ce n’est que lors de l’impression sur place par la médiathèque que l’auteur a la possibilité de toucher un revenu. Dans le cadre marchand actuel on trouve déjà ceci : livre de poche 11×17 cm, 300 pages 9,81 €.   ici  https://www.thebookedition.com/fr/creer-un-livre

Il est certain que dans un cadre national et non commercial, le prix sera bien moindre. D’autant plus que, dans ce secteur, les progrès techniques sont très importants.

Une analyse plus détaillée reste à faire (avec votre aide si le sujet vous intéresse).

….. à suivre …

Un terrain : sauf exception (polder, marais asséchés, culture en terrasse) un terrain n’est pas « produit ». Il était là bien avant l’existence des humains.

De plus il n’est pas reproductible.

Un terrain n’est pas une marchandise.

Ce qui n’empêche pas de lui donner un prix.

Question annexe : connaissez vous beaucoup de marchandises qui peuvent voir leur prix multiplié 20, 30 ou plus par le « miracle » d’une simple signature ? C’est ce qui arrive quand un terrain « agricole » devient « constructible.

– Un tableau :

Ci dessous un des 5 tableaux de Cézanne ayant pour thème « Les joueurs de cartes ». (Munch aussi a fait 5 versions du « Cri »).

Il a été acheté par le Quatar pour la bagatelle de 191 millions d’euros.(1 000 ans de smic …).Mais depuis on a fait beaucoup mieux avec Gauguin en 2015 puis Léonard de vinci en 2017 (450 millions de dollars… à vous de convertir en euros tant que c’est possible) ….en attendant « mieux » !

Bien sûr qu’un tableau n’est pas une marchandise. Même si le thème est repris plusieurs fois, chaque oeuvre est unique, ni reproductible ni interchangeable. Et à ce titre les prix ne relèvent pas du marché (le marché de l’art comme il est toujours dit ) mais de la salle de vente au plus offrant. En conséquence, le prix n’est qu’une simple question d’égo et de richesse sans autres liens avec la réalité.

Faisons une expérience de pensée (comme on le fait bien souvent en Physique…)

 Si ce tableau de Cézanne a atteint ce sommet, on peut imaginer que « La Joconde » ferait beaucoup « mieux ».

Supposons que son prix  atteigne  200 ou 300 Millions d’euros (à ce niveau là le montant n’a plus une grande importance).

Aujourd’hui on sait faire certains objets avec ce qu’on appelle des « imprimantes » 3 D. Des objets qui peuvent être dupliqués à notre bon vouloir.

Supposons à présent que la technique ait tellement progressé qu’on sache copier un objet atome par atome  si bien qu’on soit dans l’impossibilité de distinguer l’original de la copie.

Problème : si une « Joconde » atteint le prix de 200 ou 300 millions d’euros, quel serait le prix de 100 « Jocondes » totalement indiscernables ? (on supposera que le coût de fabrication d’une copie exactement identique s’élève dans un premier temps à 100 000 euros étant bien entendu que la technique s’améliorant ce coût ira diminuant …)    🙂

Réponse : 100 x 100 000 €  = 10 millions d’euros
Ainsi si on arrivait à dupliquer la « Joconde » atome par atome 100 tableaux auraient un prix total bien inférieur au prix de la seule « Joconde » actuelle !

Pensez vous que si vous avez 100 vélos de même modèle on puisse imaginer que le prix total des 100 vélos puisse être inférieur au prix d’une roue d’un seul même vélo ?  🙂

Pour terminer avec la notion de marchandise 3 exemples supplémentaires seront largement traité ailleurs, sous cet angle.

Le logement

Les médicaments

La nourriture locale

Pour comprendre cette notion de marchandise il faut être à même de faire une distinction entre la valeur (TTSI) et le prix

(pour les mots et les concepts, c’est aussi par là … )